mercredi 7 décembre 2011

SUPER de JAMES GUNN (2010)


SUPER de JAMES GUNN (2010)

Un soir, alors qu'il rentre de son travail médiocre, Franck Darbo (Rainn Wilson), un type moyen vivant une vie moyenne sans surprise, va découvrir que sa femme Sarah (Liv Tyler) a fait ses valises et a définitivement quittée le foyer sans prévenir.

Cette dernière, ancienne toxicomane, est tombée dans les bras de Jacques (Kevin Bacon), un gérant de boîtes de strip-tease, dealer notoire au physique avenant et au discours charmeur, à la tête d'une bande de criminel tout aussi dangereux que lui.

Malgré ses interventions Sarah, bel et bien retombée dans la toxicomanie, refuse instamment de revenir vivre aux côtés de Franck, qui se retrouve désespéré au point de demander l'aide de la police qui reste sourde à ses problèmes considérés et à juste titre comme conjuguaux.

C'est en voyant une émission religieuse chrétienne mettant en scène le super-héros du Vengeur Saint (Nathan Fillion) qui va changer les choses et qui va le décider à enfiler lui-même un costume pour devenir l'Éclair Cramoisi, afin de combattre le crime, armé d'une clé à molette et bien entendu dans le but de récupérer sa femme!


Pour commencer, je me dois d'expédier d'entrée de jeu les comparaisons faites hâtivement avec KICK ASS de Matthew Vaughn, car si le postulat de départ est effectivement identique (un homme tout ce qu'il y a de plus commun va se costumer et devenir un super-héros afin de combattre le crime), le traitement de l'histoire lui diffère en tout point avec le film de James Gunn (ancien scénariste et réalisateur pour la firme TROMA).

De ce fait, il me semble improbable de classer SUPER dans la catégorie des films de super-héros, tant celui-ci n'entretient que très peu de rapports avec le genre et la mythologie habituelle liée au sujet, le concept étant ici plus proche d'un Vigilante pur et dur, un homme se faisant justice lui-même selon ses convictions propres, la réalité sociale contemporaine étant ici de plus bien plus ancrée dans la narration que dans les fictions mettant en scène des héros en costume.

C'est justement par ce biais que débute le film de James Gunn qui imprime dès ses premières minutes un rythme narratif particulièrement soutenu pour décrire le quotidien et la psyché de Franck Darbo, un gars quelconque au physique un peu ingrat, modeste cuisinier dans un resto bas de gamme et qui n'a rien mais alors rien d'exceptionnel, franchement un peu looser sur les bords, limite la représentation du beauf absolu sans ambitions aucunes mais parfaitement lucide sur sa condition et qui reste à sa place aussi morose soit-elle se contentant de peu, comme ils en existent tant dans notre société d'aujourd'hui.


Ce pauvre hère est marié à Sarah, une ancienne toxico un peu trop sexy pour lui si l'on considère les critères énumérés plus haut, serveuse qu'il a rencontré sur son lieu de travail, une femme émotionnellement instable du fait de son passé, qui a passé la bague au doigt de Franck un peu hâtivement et qui a replongé récemment dans la dope par l'entremise de Jacques, un dangereux dealer au physique et au bagou charmant.

L'élément déclencheur va donc être le départ volontaire de Sarah que Franck idéalise d'ailleurs un peu trop, ce dernier pensant qu'elle est manipulée (ce qui n'est pas faux si l'on considère que la drogue altère le jugement de la jeune femme), qui va mener à une instabilité mentale poussant notre quidam à chercher à  récupérer sa femme, à vouloir rendre justice par lui-même pensant de plus être guidé par la main de Dieu (au sens quasi littérale et ce dans une séquence aussi gore qu'hallucinante impliquant une lobotomie surréaliste!), une tranche de vie qui ressemble à un petit fait divers commun, qui est la base de drames familiers contemporains que l'on peu lire en entrefilets dans le journal du matin, ni plus ni moins, et qui mènera à une suite de situations abracadabrantes de plus en plus déjantées.


Si le début du film nous fait gentiment sourire, du fait de la naïveté que l'on incombe un peu trop vite à Franck, de ses réactions et solutions ridicules face aux problèmes auxquels il est confronté, le ton change subitement en cour de narration et plonge vers un aspect plus inquiétant, l'atmosphère devenant alors perturbante et même malsaine, la folie censée être douce et amusante du départ se transformant et côtoyant de plus en plus la schizophrénie et la folie mentale aliénée nous entraînant de ce fait dans une ambiance franchement dérangeante.

À partir de ce moment, on ne sait plus trop s'il faut rire ou pas, la logique de Franck devenant de plus en plus dangereuse dans son approche de la justice, menant d'abord à des actions irréfléchies et désespérées mais sans conséquences graves, puis glissant peu à peu vers des actes inconscients dans une escalade de la violence de plus en plus dramatique, insensée et irresponsable pour quelqu'un sain d'esprit.

Si au départ Franck (affublé d'un costume rouge ridicule, se faisant appeler "L'Éclair Cramoisie" et avec pour seul arme une clé à molette en main!) se sert de cette nouvelle confiance retrouvée pour rendre timidement justice à sa manière (en se jetant par exemple de façon maladroite et désordonnée sur un petit vendeur de hash) il va peu à peu se laisser griser par cette sensation libératrice de toutes ses frustrations et se laisser entraîner dans une violence totalement disproportionnée aux crimes qu'il punit, provoquant via une séquence d'une brutalité ahurissante la remise en cause de son nouveau statut autoproclamé.


Le script semble alors remettre les pendules à l'heure, nous laissant penser que Franck, réalisant que tout cela va beaucoup trop loin, raccroche les gants et retrouve la raison mais soudainement et de nouveau du fait de son interprétation un peu illuminée de la vie, celui-ci va, via un signe qu'il pense de nouveau envoyé par Dieu, se relancer dans cette quête déraisonnable avec cette fois dans l'idée de ramener sa femme, pourtant volontairement partie pour vivre aux côtés de son fournisseur de drogue dure, de la sortir des mains de Jacques et de sa bande de criminels chevronnés adeptes du meurtre et de la brutalité.

Il va être conforté dans sa vision par l'intervention de Libby, une jeune fille de 22 ans fascinée par les actions de l'Éclair Cramoisi, encore plus exaltée que lui par ce recours à la justice personnelle, une gamine franchement frappadingue et un peu immature encore plus paumée que Franck, malgré le fait qu'elle ait une vie sociale somme toute normal (un travail de vendeuse dans une boutique de comics, des amis, des aventures amoureuses etc etc...), cette dernière excessivement admirative s'avère encore moins raisonnable et totalement survoltée de par l'idée saugrenue d'enfiler un costume bariolé et d'arpenter les rues pour chasser le crime, et finira même rapidement par se retrouver attirée sexuellement par ce héros maladroit devenu pour elle un exemple à suivre.

Difficile, lorsqu'on s'intéresse un peu aux super-héros et aux amalgames et autres dérives qui peuvent en découler, de ne pas être inquiet pour cette jeune fille naïve et excentrique au tempérament explosif qui recherche simplement les sensations fortes, ayant visiblement un peu de mal à faire la différence entre fiction et réalité, confrontée de plus à un modèle pas franchement fiable psychologiquement parlant, et qui finira par faire les frais de tous les actes irresponsables de ce dernier.


Dans sa dernière partie SUPER explose alors toute les limites du convenable concernant le sujet qu'il aborde et devient extrêmement démonstratif, d'une brutalité inouïe, qui plus est très réaliste dans son approche, de plus en plus dérangeant et perturbant, nous laissant bouche bée face aux événements forcément tragiques auxquels tout cela nous mène notamment en ce qui concerne l'un des protagonistes, la mort bien réelle faisant alors place à la magie habituelle, même si la fin censée justifier ce déferlement de violence ne m'a pas totalement convaincu car moins crédible compte tenu de l'aspect extrêmement réaliste du reste du métrage.

Niveau interprétation SUPER aligne un casting de luxe proprement impressionnant, avec dans le rôle de ce grand dadais de Franck l'imposant Rainn Wilson, tour à tour touchant, inquiétant et même effrayant, Kevin Bacon toujours aussi sympathiquement désagréable en petite frappe en costard, Nathan Fillion qui endosse le costume du Vengeur Saint provoquant à chacune de ses interventions l'hilarité totale mais surtout Ellen Page, décidément surprenante dans le choix de ses rôles, qui ici se lâche complétement dans celui de la sulfureuse Libby, explosant les limites du cadre de l'écran comme à son habitude et prouvant une fois de plus qu'elle est la plus douée des actrices de sa génération.

Pour finir SUPER ne conviendra qu'à un public averti, prêt à accepter et supporter d'être balloter d'un état extrême à l'autre constamment, de se retrouver face à un spectacle atypique complétement original dans son approche mais aussi et surtout jusqu'au-boutiste dans son sujet et sa folie pure, renvoyant à des références du cinéma Trash comme les films de Frank Henenlooter et évidemment la firme Troma et son célèbre Toxic Avenger, donnant au résultat un film hautement transgressif et irrévérencieux qui vous bousculera et ne pourra vous laissez indifférents!


NOTE GLOBALE : 15/20

DÉDICACE AFFECTUEUSE À CAROLINE "STRESS GIRL"MASSON ET BIEN SÛR BRUNO DUSSART DONT VOICI LA CRITIQUE EXEMPLAIRE DE "SUPER" : 
http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/super.html

Luke Iron Mars

3 commentaires:

  1. On a vu le même film une fois de plus mon cher ami ! je te rejoins amplement sur tout ce que décris ! Merci beaucoup pour la dédicace !
    Très bonne critique, la plus limpide et juste que j'ai pu lire.

    RépondreSupprimer
  2. Merci beaucoup Bruno, que d'Éloges j'en suis honoré!

    RépondreSupprimer
  3. J'ai remis le lien de ta critique à jour, visiblement celui que j'avais collé avant ne fonctionnait pas.

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.