mardi 6 décembre 2011

STRAW DOG'S/LES CHIENS DE PAILLE de ROD LURIE (2011)



STRAW DOG'S/LES CHIENS DE PAILLE de ROD LURIE (2011)

David Sumner (James Marsden), scénariste pour la télé et le cinéma, et sa femme Amy (Kate Bosworth) sont en route pour Blackwater, une petite ville du sud du Mississippi dont elle est justement originaire, afin d'emménager dans la résidence familiale suite au décès récent du père de cette dernière.

À peine arrivé, David va faire la rencontre des résidents de la petite bourgade notamment celle de Charlie (Alexander Skarsgard), l'ancien petit ami d'Amy visiblement toujours sous le charme de la jeune femme devenue aujourd'hui une actrice à succès, un symbole de réussite de la région.

David, plutôt habitué à la vie citadine, va rapidement avoir du mal à accepter les manières de vivre quelques peu familières de la population locale, et remettre en question involontairement les mœurs et les valeurs de ces autochtones au comportement éloigné de son tempérament, étant plutôt lui même un partisan du calme et de la réflexion, favorisant les discussions plutôt que les actes physiques.

En guise de geste sympathique, il va engager et confier à Charlie la tâche de réparer la toiture de la maison familiale où ils se sont installés mais va très vite commencer par soulever des tensions au début sans réelles importance mais qui vont vite finir par dégénérer...


Difficile de porter la lourde étiquette de "Remake" de nos jours, encore plus lorsque le film dont il est la relecture est un chef-d'œuvre immense, comme c'est le cas ici pour STRAW DOG'S originellement réalisé par l'un des plus grands réalisateurs de tous les temps, Sam" THE WILD BUNCH" Peckinpah qui livrait un de ses films les plus difficiles et dérangeants à regarder en son temps (et encore aujourd'hui pour ma part) et alors interprété par un casting cinq étoiles incluant en tête d'affiche le légendaire Dustin Hoffman.

On se pose immanquablement la fameuse question : pourquoi refaire de nouvelles versions de chef-d'œuvres qui encore aujourd'hui restent immuables? Et bien probablement pour la génération actuelle, bien souvent hermétique aux films affichant l'âge de leurs parents, peut-être aussi parce que les scénaristes d'aujourd'hui sont en manque total d'inspiration, ou encore pour grapiller quelques dollars supplémentaires en s'appuyant sur un titre populaire... Peu importe, on ne va pas polémiquer sur les raisons d'être ou pas d'un remake, ils sont là, point barre,et il faut faire avec!

En tenant compte de ce facteur, je vais donc me baser pour rédiger cette critique sur l'intérêt que j'ai ressenti durant la projection, et non sur un simulacre de comparaison avec son modèle, même si parfois c'est évidemment inévitable, car à ce jeu autant en rester là, la version de Peckinpah étant et restant indubitablement indétrônable!

Les choses étant bien établies, je suis donc parti du principe de juger la version de Rod Lurie en tant que métrage indépendant à part entière, et de ce point de vue, STRAW DOG'S 2011 est un remake réussi qui fonctionne à plein tube.


Dès les premières séquences, nous montrant David et Amy arrivant à Blackwater et s'arrêtant le temps d'un verre au bar local, le climat de malaise s'installe, les non-dits et les jugements hâtifs vis-à-vis des uns des autres des protagonistes favorisant un début de tension tangible, qui s'alourdit lentement au fil des scènes d'expositions et ce via des dialogues d'apparences innocents mais lourd de sens, par le biais de mots bien pesés, de gestes qui finissent petit à petit par être moins délicats puis carrément déplacés, et surtout interprétés et jugés différemment selon le point de vue et le caractère des personnages impliqués.

Avant même que le couple s'installe dans la résidence familiale où Amy a vécu toute son enfance, de nombreux éléments sont donc déjà intelligemment installés, et vont naturellement prendre de l'ampleur graduellement, une phrase après l'autre, de provocation en provocation, pour amener à une atmosphère malsaine sans cesse grandissante, de plus en plus intense, menant à une dense oppression prête à tout moment à exploser sans crier gare.

C'est cet état nauséeux suspendu qui va nous mettre, nous spectateurs, dans une position extrêmement désagréable et inconfortable, un peu comme lorsque vous vous retrouvez au milieu d'une rixe entre deux personnes sans pouvoir agir, simplement en position de témoin forcé, réalisant et voyant que les choses s'enveniment lentement mais sûrement, sans que vous ne pussiez rien n'y faire.


Ce jeu de cohabitation ardu dû notamment au choc des cultures va durer un long moment à l'écran, avec de part et d'autre des marquages de territoires et autres non-respect de l'espace vital de plus en plus affirmé, une fois de plus vu différemment selon que l'on adopte la position de David, intellectuel qui favorise la réflexion plutôt que les actes physiques, ou selon celle de Charlie, un total redneck, mâle alpha mené par sa testostérone et ses impulsions, avec au milieu comme vecteur détonateur conflictuel la belle Amy.

C'est là où réside tout l'intérêt des enjeux dramatiques, par l'entremise d'Amy, servant d'articulation entre ces deux mondes diamétralement opposés, mais qui coexistent pourtant de manière chaotique en son fort intérieur, étant elle-même tiraillée entre l'amour et la haine de ces deux aspects des choses et prise à parti malgré elle du fait de cette position délicate, devenant un enjeu physique que les deux protagonistes masculins principaux tentent de convertir à leur point de vue, de posséder que ce soit au niveau charnel ou mental.

Concernant cela, je préfère vous prévenir, tous les passages impliquant des femmes risquent fortement de choquer certains d'entre vous, les faits les mettant systématiquement dans une sorte de rôle provocateur, initiatrices des source de tension, montrées quasiment comme étant à demi responsables des actes qu'elles subissent et des réactions violentes et dramatiques qu'elles génèrent. Difficile à dire si le réalisateur le fait de façon volontaire ou pas, comble du comble forcément intéressant dans un film qui traite justement, entre autre, de la perception des choses selon les différents point de vue que l'on adopte!


C'est un élément extérieur imprévu qui va mettre le feu au poudre de toutes ces animosités malsaines, qui comme souvent dans ce genre de situation va mener à un véritable déferlement de violence désordonné où chacun va régler ses comptes de manière brutale et vindicative, par le sang et la violence primaire mais appliquée de façons différentes une fois de plus selon les points de vue, nous montrant que parfois les natures semblant être les plus faibles se révèlent véritablement en situation de crise extrême, deviennent eux-mêmes des prédateurs implacables et méthodiques s'ils y sont forcés.

Dans ses grandes lignes, STRAW DOG'S sauce 2011 s'en tire largement avec les honneurs et respecte religieusement l'exercice de style de la matière première, du roman initialement adapté par Peckinpah, avec peut-être certes une mise en forme nettement plus (trop?) commune mais diablement efficace, particulièrement bien menée en ce qui concerne les personnages et les dégradations des rapports humains, le tout intensifié avec brio au niveau du montage sonore qui participe beaucoup à nous mettre dans cet état de stress communicatif intense.

STRAW DOGS est donc pour moi un film qui ne cherche jamais à tomber dans la surenchère ni à supplanter ni égaler son modèle, bien au contraire, mais justement en tient compte avec respect, et tire son épingle du jeu en restant toujours légèrement en décalage avec le film de Peckinpah dans sa forme, sans jamais chercher à le singer tout en reprenant les passages obligés nécessaires à la narration mais à sa manière, avec rigueur, même si certains y verront un traitement plus lissé du roman d'origine.


Dans son principe et grâce à cela, STRAW DOGS fonctionne à la perfection de bout en bout et prend tout son temps, installe consciencieusement les éléments très lentement, preuve supplémentaire que livrer un film tape-à-l'œil et expéditif n'est pas au cahier des charges de Rod Lurie, donnant de ce fait la possibilité à un acteur comme James Marsden, d'habitude assez fadasse à l'écran, l'occasion de dévoiler un jeu étonnamment riche tout en retenue, ainsi que pour Kate Bosworth, plantureuse actrice plutôt habituée aux productions plus légères, ici incroyablement enivrante et inquiétante dans le rôle d'Amy, femme transformée en objet de toutes les convoitises.

Mais c'est l'acteur Alexander Skarsgard qui explose toutes les limites, livrant un jeu époustouflant et exceptionnel, particulièrement subtil malgré l'aspect brut de son personnage, captivant l'attention et s'appropriant l'écran avec beaucoup de talent, donnant de plus la réplique au grand, l'immense James Wood, ici dans le rôle d'un ex coach irascible, teigneux, alcoolique et violent qui glace le sang, et qui comme à son habitude avale l'écran à chacune de ses apparitions.

Était t-il nécessaire de faire un remake du film de Peckinpah? Probablement non. Est-ce que cette version est un bon film? Sans aucun doute oui, la véracité des interprétations rendant l'histoire intense d'un point de vue dramatique, en tout cas pour moi.
L'état poisseux dans lequel j'étais après avoir vu STRAW DOGS 2011 étant la preuve irréfutable qui démontre que le film m'a irrémédiablement captivé et imprégné!


NOTE GLOBALE : 15/20

DÉDICACE À BRUNO DUSSART DONT VOICI LA CRITIQUE QUI M'A POUSSÉE À REGARDER CETTE VERSION : http://brunomatei.blogspot.com/2011/12/les-chiens-de-paille-2011-straw-dogs.html

Luke Iron Mars

4 commentaires:

  1. Critique admirable que je rejoins amplement ! Nous avons perçu le même film, c'est indubitable ! j'apprécie aussi beaucoup le traitement que tu fais en préambule sur la condition du remake à la mode actuelle sans le dénigrer ou le juger avec délectation. Je suis vraiment ravi que tu ais été aussi impliqué par la dramaturgie intense de l'histoire renouvelée ici avec un intérêt et une maitrise miraculeux ! Un grand merci Luke pour cette critique que je lirais à nouveau consciencieusement dès demain.

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  2. Merci beaucoup Bruno, j'suis touché! Je suis content qu'elle te plaise, et effectivement nous avons définitivement perçu le même film.
    Je fignolerais les détails de cette critique demain soir, mais je suis surpris de constater que le fait d'avoir eu à l'écrire d'une traite, juste après la projection, a été intéressant pour moi, d'habitude je laisse passer plusieurs jours.À renouveler donc!

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  3. Bruno m'a dit que tu avais aussi adoré cette version J.F! C'est excellent ça!

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