vendredi 6 janvier 2012

REDLINE de TAKESHI KOIKE (2010)


REDLINE de TAKESHI KOIKE (2010)

(REDLINE est disponible en France chez l'excellent éditeur KAZE en dvd et en Blu ray. Je vous conseille fortement de faire l'expérience du film de Takeshi Koike en haute définition afin d'apprécier à sa juste valeur le travail gigantesque abattu par les animateurs et l'équipe du film!) 

Dans un futur proche, malgré le fait que la technologie permette aujourd'hui aux véhicules de voler, des fous du volant embarqués à bord de bolides traditionnels continuent de s'affronter dans des courses infernales et clandestines où tous les coups sont permis totalement interdites par le gouvernement.

C'est le cas de JP, un pilote qui  au contraire des autres refuse obstinément d'avoir recours à des méthodes frauduleuses et agressives pour gagner, préférant concourir à la régulière dans les règles de l'art.

Non seulement cette ligne de conduite lui complique énormément la tâche et lui vaut même le sobriquet de "gentil JP", ses adversaires eux n'hésitant pas à surarmer leurs bolides, mais il conduit de plus à son insu un véhicule trafiqué par son coéquipier également mécano qui fricote dans son dos avec la mafia afin de truquer les courses dans le but de faire monter les enjeux des paris.

Il va bientôt faire la connaissance d'une jolie pilote, Sonoshee, dont il va tomber amoureux, prête à tout pour remporter les épreuves et qui partage comme lui une certaine vision similaire de ce sport extrême, et va bientôt participer à la course ultime la plus mythique de la galaxie : la REDLINE!


Sept ans, il aura fallu sept longues années de dur labeur pour que REDLINE voit le jour sous l'impulsion d'un des maîtres de l'animation les plus fous et révolutionnaires du genre Takeshi Koike (à qui l'on doit l'épisode RECORD DU MONDE dans ANIMATRIX, la séquence animée démentielle de KILL BILL ou encore la série AFRO SAMOURAÏ) et de l'inventif et anticonformiste Katsuhito Ishii (PARTY 7 et TRAVA).

Attendu comme la venue du Messie sur terre par les fans d'animation, REDLINE aura su susciter tous les fantasmes, annoncé lors de son développement comme le renouveau de l'animation japonaise par le studio mythique MADHOUSE, comme étant la prochaine étape de ce mode d'expression encore aujourd'hui trop sujet à des a priori en Occident par les détracteurs du format, une sorte de projet ultime précurseur représentatif de ce que le pays du Soleil Levant va nous livrer dans les dix voire les vingt prochaines années. C'est dire si les enjeux dépassent allégrement la simple envie des intervenants de REDLINE de divertir le spectateur!

Autant mettre fin au suspense immédiatement, d'un point de vue général REDLINE s'avère effectivement être une des expériences animées visuelles les plus hallucinantes et hallucinées jamais vues depuis longtemps sur grand écran, un sommet du genre qui dépasse même à ce niveau toute les attentes des férus d'animation comme promis par le studio... Oui mais malheureusement si la forme est effectivement révolutionnaire le fond en revanche souffre de beaucoup trop de défauts symptomatiques de l'industrie japonaise actuelle. Explications!


Visuellement donc, REDLINE s'offre une qualité d'animation hors norme, une mise en forme exceptionnellement sublime, chaque plan du film fourmillant de détails qui confine à la folie pure, à l'obsession de la part des artistes ayant oeuvré sur le film de démontrer leur envie de dépasser les limites du format de ce mode d'expression, d'exploser son cadre réducteur trop étriqué pour afficher et magnifier la richesse du monde dépeinte ici de manière ébouriffante dans le soin d'offrir aux spectateurs ce qui a été promis : une expérience unique en son genre, une montée crescendo perpétuelle plan après plan de vouloir aller plus haut et plus loin dans cette représentation de l'imitation de la vie qui plus est appliquée à un univers fantastique inventif faisant la part belle aux créatures bigarrées au design extrêmement travaillé et à la crédibilité tangible.

Dès son début détonnant montrant une de ces fameuses courses sans limite sur le dangereux circuit escarpé de Yellowline, les véhicules affichent une mise en valeur proprement fascinante, détaillés jusque dans leurs moindres rouages, sublimés par une mise en couleur et des textures magnifiant chaque carrosserie, chaque boulon et piston, la sensation de vitesse étant de plus retranscrite avec fureur et extase à l'écran, les limites physiques des matériaux étant littéralement déformées et dilatées à l'extrême afin de susciter un maximum de sensations signifiant une vélocité hors norme explosant les limites du concevable et du raisonnable, le rendu des course-poursuites infernales exaltant la rétine à chaque image, ces dernières défilant à une vitesse vertigineuses et proprement hallucinatoires, à la limite de l'abstraction totale.

Il suffit de quelques minutes pour se retrouver happé par cette mise en scène et ce découpage des plans aussi syncopé que survolté, à l'exercice de style souhaitant constamment aller plus loin d'un plan à l'autre, et forcément qui laissera sur le bord de la route une partie du public qui risque de se retrouver noyé et saturé par ce tourbillon incessant de couleurs et cette représentation sous LSD de la vitesse pure déraisonnable qui exacerbe le besoin inhérent de ces pilotes sans peur de défier les lois de la gravité elle-même, dans le but inavoué de tendre à la liberté totale dans un dépassement de soi quasi-spirituel.


Inutile de dire que le fait que l'animation est ici faite uniquement "à la main" rajoute forcément une certaine fascination supplémentaire pour le résultat exceptionnel de cette expérience presque trop riche pour être perçue et intégrée par la perception normale du commun des spectateurs, et participe grandement à nous laisser la mâchoire ouverte devant ce tour de force artistique hors du commun et proprement surhumain .

De ce point de vue, il est impossible de ne pas succomber à REDLINE tant le travail abattu suscite l'admiration constante, surtout pour le connaisseur qui ici se retrouve à dénombrer la multitude de détails affichés et animés traditionnellement à l'image, forcément ébloui et subjugué par ce soin irréprochable et effectivement révolutionnaire annoncé par ce projet fou furieux qui plus est appuyé par une bande sonore explosive, chaque vrombissement de moteur participant également à amplifier les sensations fortes et à prodiguer une expérience sensitive intensément surréaliste... Oui, mais ô désespoir il y a un mais, et de taille!

C'est malheureusement au détriment du fond ouvertement sacrifié que la forme a été largement privilégiée, un constat de plus en plus représentatif de la direction que l'industrie de l'animation japonaise prend depuis sa démocratisation à la fin des années 90, que le genre s'est ouvert au marché international, un symptôme latent qui se met de plus en plus à contaminer les créatifs nippons les plus prestigieux désireux d'exporter leurs œuvres (pas forcément uniquement dans ce domaine par ailleurs mais également dans celui des jeux vidéo et même du cinéma traditionnel) dans cette envie de toucher un public plus large en faisant de l'œil à l'Occident en créant des personnages de plus en plus facilement identifiables par ce public et reflétant les goûts de ces marchés extérieurs, perdant de ce fait au passage leur identité japonaise si particulière qui octroyait un charme infiniment plus dépaysant voire "exotique" aux œuvres Japonaises.


C'est le cas ici dans le traitement des personnages principaux, à commencer par son héros JP, physiquement sorte de rocker arborant une banane qui rendrait fou de jalousie Fonzie de HAPPY DAYS! Ce personnage à la droiture exemplaire (surnommé littéralement JP le gentil pour bien nous le faire comprendre!) affiche une classe qui renvoit à l'imagerie des héros américains des années 50, un look de bad boy censé être excentrique et borderline certes loin des standards graphiques propres à l'animation japonaise mais finalement bien trop formel pour nous occidentaux, presque trop caricatural même jusque dans sa dégaine, ses postures et son attitude "à la cool".

Il en va de même pour Sonoshee, une jeune femme également pilote chevronnée au caractère bien trempé dont JP s'est évidement amouraché, et qui si elle affiche bien des signes extérieurs physiques typiques de l'imagerie "Manga" (des cheveux verts, des grands yeux etc etc...) n'en reste pas moins une héroïne aux formes sexy et à l'attitude désinhibée plus proche des canons occidentaux. Ce design et cet aspect visuel ne serait pas si handicapant (d'autres anime utilisent une codification occidentale avec beaucoup d'invention comme COWBOY BEBOP par exemple) si concernant leur émotion et leur relation les protagonistes ne se comportaient pas de façon aussi linéaire, à la limite du binaire le tout étant beaucoup trop ramené à des enjeux d'une simplicité trop naïve (on se croirait presque dans la logique amoureuse de GREASE!!!)

On peut aussi s'étonner d'un autre détail plutôt surprenant et incongru : REDLINE, s'il fait entre autre référence à des jeux vidéo comme F-ZERO ou WIPE OUT, semble surtout être très influencé par la logique narrative et visuelle particulière de SPEED RACER (le film live des frères Wachowskis et non l'anime d'origine japonaise dont ce dernier est tiré) les deux métrages partageant de trop nombreux points communs qui dépassent les simples coïncidences (Un héros au cœur pur face aux manigances d'un système corrompu, une amourette liée aux sensations même procurées lors des courses, une envie de gagner la course dans le respect des règles) copier-coller jusque dans leur retranscription survoltée et sublimée du rendu de la vitesse... Un comble de voir qu'un anime japonais s'inspire d'un film live américain tiré lui-même à la base d'un anime japonais!


Si la diversité visuelle est bien présente pour représenter la population extraterrestres diverse et variée, les psychologies des personnages secondaires, elles, de manière générale sont trop effleurées empêchant que l'on s'attache durablement, ces derniers n'étant pas assez développés à l'écran malgré des présentations (trop) longues de chaque intervenant mais ennuyeuses et bavardes. On touche alors au vrai problème du film, celui de la narration bordélique multipliant les sous-intrigues auxquelles il est difficile de s'intéresser, du développement de sa trame principale parsemée de trop d'éléments inutiles (un side kick qui magouille avec la mafia, une arme biologique lâchée en pleine course par le gouvernement qui sème la destruction) et dont les enjeux dramatiques sont d'ailleurs expédiés en deux temps trois mouvements voire parfois carrément abandonnés en cour de route sans plus d'explications.

Forcément au milieu de ce déferlement d'images éblouissantes cela fait tache et déçoit profondément, même si l'expérience reste si unique en son genre qu'on finit (une fois ce constat fait et digéré) par adhérer au métrage de Takeshi Koike, qui reste quoi qu'il en soit une œuvre aux excès jubilatoires visuels ultra-jouissive et nous laisse irrémédiablement marqués par cette idée touchante de voir les deux héros souhaitant simplement via ces courses dépasser les interdits, les limites humaines sportives et quasi-spirituelles afin d'atteindre un état d'apesanteur où ils deviennent intouchables en franchissant la ligne d'arrivée symbolique, atteignant alors la liberté dans son sens le plus pur et le plus noble du terme, dans un état transi proche de l'orgasme et survolté par l'extase suprême qui en découle en cet instant T.

Finalement et quelque part, on  peut y voir la métaphore de la démarche initiée par les artisans de REDLINE qui à l'image de ces coureurs exaltés souhaitent dépasser les règles que leur monde et leur domaine leur impose! À ce niveau, le pari est largement gagné et mérite le détour à pleine vitesse!

NOTE GLOBALE : 15/20

DÉDICACE À NICOLAS MOREIRA ET CÉDRIC CHEYSSAC, DEUX ARTISTES TALENTUEUX QUI ME FONT RÊVER À TRAVERS LEURS DESSINS ET LEUR IMAGINAIRE DÉBORDANT!

Luke Iron Mars

lundi 2 janvier 2012

ZATHURA de JON FAVREAU (2005)


ZATHURA de JON FAVREAU (2005)

Danny (Jonah Bobo) âgé de 6 ans et son frère Walter (Josh Hutcherson), 10 ans, ne cessent de se chamailler et de vivre dans la rivalité, tentant constamment de s'accaparer l'attention de leur père (Tim Robbins) très occupé par son travail et qui a bien du mal à gérer le tempérament de ses deux fils, peu aidé de plus par sa fille Lisa (Kristen Stewart), grande sœur des deux frères ennemis, une adolescente superficielle peu intéressée par ce genre de responsabilités.

C'est après avoir été enfermé par Walter dans la cave de leur foyer que Danny va découvrir un vieux jeu de société spatial mécanisé nommé ZATHURA, qu'ils vont tous deux se mettre à y jouer malencontreusement, voir leur doux foyer se retrouver propulsé dans l'espace et faire l'expérience des règles particulières imposées : chaque lancer de dés les oblige à tirer une carte et les confronte à une épreuve qui prend vie, que ce soient des météores, un robot détraqué, un astronaute (Dax Shepard) s'invitant chez eux ou encore une attaque d'extraterrestres en manque de chair fraîche!

Une fois commencée, les règles imposent également que la partie soit terminée par ceux qui l'ont commencée jusqu'à ce qu' un gagnant soit désigné, sans cela il erreront à jamais dans l'espace....

Les deux jeunes frères vont devoir mettre leurs conflits de côté, apprendre à s'entraider afin de survivre aux différentes épreuves du jeu et mettre fin à cette partie s'ils veulent retrouver leur planète, leur père et restaurer les choses!


C'est avec beaucoup de réserve et suite à sa réédition en Blu ray que je me suis enfin décidé tardivement à visionner ZATHURA, notamment car le film ne bénéficie pas de beaucoup de popularité auprès de la communauté fantasticophile dont les membres m'ont souvent évoqué le film de Jon Favreau comme étant uniquement une resucée de JUMANJI de Joe Johnston, basée sur le même concept et utilisant le même procédé narratif.

C'est en voulant me renseigner plus en avant sur la véritable qualité de ZATHURA que je me suis rendu compte que finalement peu de cinéphiles l'avaient vraiment vu, refrénés eux-mêmes par des a priori plus ou moins légitimes concernant l'intérêt limité de cette fausse-vraie suite de JUMANJI qui plus est réalisée par un metteur en scène pas forcément réputé pour avoir une identité forte, Jon" IRON MAN" Favreau et sans grosse star au casting au contraire de son modèle qui s'offrait les services de l'excellent Robin Williams.

Grosso modo, le film est souvent vendu et taxé comme un "JUMANJI dans l'espace", et en majorité descendu en flammes par les critiques car considéré comme un copier-coller trop proche du métrage de Joe Johnston... Même si cette présentation sommaire n'est pas totalement fausse, cela reste tout de même un tort tant les deux métrages diffèrent dans leur traitement de l'histoire et leur aspect artistique, tant ZATHURA surpasse haut la main son modèle d'origine et s'avère même être une relecture nettement plus intéressante cinématographiquement!

Il ne m'en a pas fallu plus pour revoir JUMANJI en Blu ray (Qui m'a à ma grande surprise déçu alors que je considérais jusqu'alors ce dernier comme un excellent divertissement) suivi de prêt d'une projection de ZATHURA en haute définition afin de voir si tous ces on-dit s'avèrent vraiment justifiés!

Mode réhabilitation activé!


Dès les premières minutes nous sommes donc plus ou moins en terrain connu, Favreau tenant compte intelligemment de ce fait installe ses scènes d'expositions très vite (au contraire de JUMANJI qui peinait à démarrer, ce qui est compréhensible) en présentant les principaux protagonistes de l'histoire, à savoir Danny, un petit bout de chou de 6 ans, à peine plus haut que trois pommes qui vit un peu dans l'ombre de son frère aîné Walter, un garçon de 10 ans au caractère fort et dédaigneux juste-ce-qu'il-faut comme tout grand-frère qui se respecte, plutôt porté sur les activités physiques au contraire de Danny, sans oublier Lisa, stéréotype de la grande sœur adolescente en mal d'indépendance qui supporte tant bien que mal le reste de sa famille en les ignorant simplement royalement.

Les rapports fraternels sont très vite établis via des séquences de la vie courante montrant les deux frangins se disputer inlassablement, s'opposant dans des conflits perpétuels et futiles, essayant de prouver constamment que l'un vaut mieux que l'autre afin de s'accaparer l'attention de leur père divorcé qui peine à concilier vie de famille et boulot, même si malgré cette rivalité apparente ils n'en restent pas moins des frères, les liens du sang et leur place dans la cellule familiale étant également bien détourés et installés, juste ce qu'il faut pour appréhender la suite du métrage où ces traits serviront évidemment les enjeux dramatiques exacerbés en situation de crise.

On retrouve donc immédiatement les repères et les thématiques chers à l'auteur et illustrateur Chris Van Allsburg à l'origine des ouvrages pour enfants dont sont tirés JUMANJI et ZATHURA (d'où la filiation entre les deux films), qui loin des standards habituels de ce type d'œuvres destinées aux plus jeunes se sert souvent du cadre de l'enfance pour aborder et développer des éléments nettement plus matures sur les rapports difficiles liés aux conflits au sein de la cellule familiale, dans JUMANJI ceux opposant le fils et le père, ici ceux opposant les deux frères.


C'est justement suite à une rixe entre les deux frères que le petit Danny va se retrouver malgré lui dans la cave de la résidence familiale et tomber sur une boîte de ZATHURA, un jeu de société spatial à l'aspect rétro, qu'il va proposer ensuite à Walter d'y jouer et que le film va entrer de plain-pied dans sa partie ouvertement ludique et divertissante, en enchaînant à l'écran des séquences d'action plus aventuresques et spectaculaires les unes que les autres, chaque case du jeu devenant un danger potentiel réel qui va prendre vie et menacer nos deux jeunes héros, que ce soient une pluie de météorites qui dévaste le salon, une gravité altérée ou un robot détraqué devenu fou qui démolit tout sur son passage et tente de tuer le jeune Walter!

Mieux, la maison où ils vivent est littéralement projetée physiquement dans l'espace durant la partie, en plein milieu des étoiles et de la Voie Lactée, conférant au film une sensation dépaysante de huis clos intergalactique inédit, et même carrément inquiétant quant au devenir des enfants livrés à eux-mêmes et coupés du monde réel, au contraire de JUMANJI qui plantait son décor dans un environnement contemporain familier à l'échelle urbaine qui se retrouvait infesté par les créatures invoquées via le jeu.

En moins d'un quart d'heure le film installe donc solidement la trame, les règles du jeu et son fonctionnement particulier et s'offre même des éléments scénaristiques surprenants et amusants, comme le fait que la grande sœur Lisa en charge de la garde de ses jeunes frères (d'ailleurs totalement ignorante sur la situation et s'apprêtant même naïvement à un rendez-vous amoureux dans la salle de bain) se retrouve inopinément cryogénisée et transformée en statue de glace!


Cette idée ingénieuse va donner lieu à des passages pour le moins cocasses, les deux frères benjamins censés être sous sa tutelle le temps de la soirée tentant alors de la préserver vaille que vaille des divers dangers liés au jeu, se retrouvant à veiller sur elle inversant les rôles préétablis, la baby-sitter devenant celle qu'il faut alors surveiller. Une fois de plus, c'est en mettant nos jeunes héros en situation de crise au sein de leur foyer sans adulte pour les guider que les enjeux dramatiques et thématiques se développent à l'écran, ici celui de la responsabilité d'autrui, du devoir de faire face aux conséquences dont sont responsables les enfants qui n'auront pas d'autres choix pour restaurer les choses que de finir la partie avec tout ce que cela implique de dangers à affronter et de collaborations obligatoires.

On pourrait se dire à ce stade de l'histoire que l'aventure va vite atteindre ses limites, que cette suite de péripéties va vite lasser (c'était le cas dans JUMANJI qui finissait par devenir redondant), mais une fois de plus un nouvel élément va venir chambouler la donne : l'intrusion impromptue d'un nouveau personnage, un mystérieux astronaute à la dérive dans l'espace délivré via une case du jeu de son sort peu enviable et visiblement très expérimenté concernant les diverses menaces auxquelles nos héros sont confrontés.

Je ne dévoilerai pas l'identité dudit astronaute, mais ZATHURA exploite avec beaucoup plus d'intelligence l'idée déjà présente dans JUMANJI de faire intervenir un adulte qui a précédemment déjà fait l'expérience du jeu, avec beaucoup plus de légitimité narrative, sa présence étant de plus parfaitement appropriée compte tenu de son implication émotionnelle et du rôle majeur qu'il joue dans l'histoire.


Ce personnage va dans un premier temps s'affairer à aider les enfants mais va vite s'avérer être un élément clef très intéressant concernant les relations conflictuelles entre les deux frères, va interférer afin d'arrondir les angles et pousser les héros à faire les bons choix moraux, à dépasser et relativiser leurs différends et à se respecter mutuellement en tant que membre d'une famille à part entière.

ZATHURA va alors dans sa dernière partie culminer dans un savant mélange d'action décomplexée et de magie traditionnelle du genre faisant intervenir l'assaut de la maison par des extraterrestres carnivores particulièrement menaçants et mener à un dénouement sur l'importance des liens familiaux, sur le fait qu'il faut chérir ses proches et prêter attention à ce que l'on souhaite à tort parfois en faisant preuve d'égoïsme (qui n'a jamais souhaité sous l'effet de la colère que son frère ou sa sœur ne soit jamais né(e)) et faire maturer nos deux jeunes héros.

L'autre surprise du film vient de ses effets spéciaux magnifiques qui préfèrent faire la part belle aux SFX traditionnels à l'ancienne en prise de vue réelle plutôt qu'aux effets numériques (utilisés ici néanmoins çà et là avec parcimonie) que ce soit pour animer un robot devenu fou (rappelant Robby le robot de PLANÈTE INTERDITE et qui s'offre la voix de Frank Oz!), des vaisseaux spatiaux (au look qui n'est pas sans rappeler ceux de FLASH GORDON) ou encore des créatures extraterrestres voraces, les fameux Zorgons (véritables hommages visuels à celles du cultissime DARK CRYSTAL) admirablement créés et prisent en charge par l'atelier du regretté Stan Winston déjà responsable des gigantesques dinosaures de JURASSIC PARK ou encore des effets impérissables de TERMINATOR 2.


À ce sujet, l'effet le plus saisissant concerne le personnage interprété par Kristen Stewart, Lisa, qui se retrouve durant une grande partie du film cryogénisée, remplacée alors sur le plateau par une réplique exacte de glace de la belle actrice qui laisse bouche bée tant elle est criante de vérité, magnifiquement sculptée et copie en tout point conforme de son modèle de chair et de sang, presque vivante et rendant quasi-impossible, même pour un œil entraîné,  de faire la différence entre la statue et l'actrice.

L'aspect général du film gagne de ce fait énormément en chaleur en faisant de plus constamment référence aux fleurons de la culture S.F passés qui ravira les spécialistes du genre, le point de vue et les choix de Jon Favreau (éblouit par les effets et l'imagerie de la première trilogie STAR WARS) ayant de toute évidence eu un impact considérable sur l'approche globale du look de ZATHURA, le réalisateur favorisant systématiquement les maquettes à l'ancienne, les maquillages traditionnels et les effets pyrotechniques réels plutôt que de succomber à la facilité du tout numérique-sans-âme, conscient qu'il confère à son métrage en utilisant ces méthodes une patine et une ambiance qui n'est pas sans rappeler certains vieux film comme EXPLORERS ou  L'AVENTURE INTÉRIEURE.

En plus de s'offrir toutes les qualités énumérées plus haut, ZATHURA affiche de plus un casting soigné malgré l'absence de star réelle (Tim Robbins jouant le père n'apparaissant que quelques minutes à l'écran) à commencer par les interprètes de Danny et Walter, respectivement Jonah Bobo et Josh Hutcherson (déjà remarquable dans LE SECRET DE TERABITHIA où il donnait la réplique à Anna Sophia Robb) qui malgré leur jeune âge font preuve d'un talent exceptionnel et d'une véracité incontestable, Favreau (lui-même acteur rappelons-le) les utilisant intelligemment, leur laissant imprégner leur propre rythme et s'exprimer avec beaucoup de naturel et de liberté à l'écran.


Kristen Stewart (pas encore auréolée du succès de la saga TWILIGHT) vole la vedette à chacune de ses apparitions par son talent inné malgré un rôle pas forcément évident à mettre en lumière, celui d'une adolescente superficielle imbue d'elle-même et s'avère franchement hilarante à chacune de ses rares interventions (on ne connaissait pas cet aspect du jeu de la jeune femme), le personnage étant de plus cryogénisé durant la moitié du film il n'était pas facile de tirer son épingle du jeu, mais pourtant la future héroïne de TWILIGHT y parvient sans difficultés.

ZATHURA est donc un film beaucoup trop sous-estimé selon moi, nettement plus efficace et charmant que les blockbusters que l'on tente de nous vendre habituellement et presque plus réjouissant que son modèle JUMANJI (le film de Johnston a sacrément vieilli et s'avère beaucoup moins rythmé), parsemé de belles séquences à la photographie chaleureuse très belle qui plus est appuyée par des effets traditionnels épatants voire tétanisants (Lisa cryogénisée), remarquablement et honnêtement interprété, mené à un rythme extrêmement soutenu, et parcouru de thématiques intéressantes sur l'enfance malgré de nombreux défauts, dont une musique trop impersonnelle de John Debney, une réalisation qui manque cruellement d'envergure mais diablement efficace comme souvent avec Favreau et les deux dernières minutes qui concluent le film de manière beaucoup trop expéditive.

Un film à réhabiliter de toute urgence, certes destiné en premier lieu aux plus jeunes mais qui ne mérite certainement pas toutes les critiques assassines qu'il a subi, et qui est de plus maintenant disponible chez nous en Blu ray en double feature avec JUMANJI (à revoir avant pour vous rendre compte à quel point le film de Johnston a subi les affres du temps!) et qui s'offre un transfert magnifique aux couleurs pétantes (au contraire de JUMANJI malheureusement qui bénéficie d'une image catastrophique à peine supérieure à la version sortie en dvd) et est-Ô surprise- accompagné d'énormément de suppléments dont des interviews de Stan Winston sur les effets spéciaux ainsi que de l'intégralité du casting... Le tout vendu aux alentours d'à peine 15 euros!


Visuel de l'édition Blu ray Française


NOTE GLOBALE : 15/20

DÉDICACE À PHILIPPE ASTRUC ET BRUNO DUSSART

Luke Iron Mars